Philippe au Bénin

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Récemment de retour d’un voyage humanitaire au Bénin, Philippe Fournier, infirmier en prévention des infections, nous raconte son expérience.

Au début mai, je suis parti pour une visite au Bénin. C’était mon second voyage là-bas, après une première visite en novembre 2018. C’est un long voyage, plus de 26 heures d’avion et de transferts, mais c’est aussi presque 36 heures sans dormir.

Lorsque l’on visite le Bénin pour la première fois, je crois que l’on ne peut pas être prêt à ce que l’on ressent et à ce que l’on voit. Tout d’abord, en sortant de l’avion on est surpris par l’humidité qui nous frappe de plein fouet. Même si on arrive tard en soirée, l’humidité est quand même présente. L’absence de brise n’aide pas beaucoup non plus.

Le jour, c’est pire. Il doit faire au moins 40°C sans compter cette humidité. Ce n’est pas mêlant, il me fallait prendre au moins 3-4 douches par jour pour enlever ce film qui était sur ma peau. Ottawa est réputée pour être une ville humide, Cotonou c’est 10 fois pire!

Cotonou est la capitale économique du Bénin, elle est située au sud du pays. C’est une ville étrange où les qualités d’urbanisme sont plutôt absentes. Nous avions la chance d’avoir une habitation avec une terrasse au sommet de notre immeuble. Ceci nous donnait la chance de voir une partie de la ville. Lorsque l’on regarde au loin, on remarque que les maisons en tôles froissées sont omniprésentes. Mais au milieu de ces maisons, il y a aussi de jolies maisons aux formes variées, avec des matériaux riches et des cours intérieurs sublimes où l’on retrouve des palmiers, des manguiers et autres arbres fruitiers.

Notre second voyage avait pour but d’offrir de la formation à divers professionnels de la santé de cliniques privées et du secteur public (médecins, infirmières, sage-femmes, anesthésistes, chirurgiens, pédiatres, neurochirurgiens) en partenariat avec la plateforme du secteur sanitaire privée du Bénin. Son directeur, Dr Dossou, est un homme avec beaucoup de charisme, capable de rassembler les gens autour d’un sujet important, non seulement au Bénin, mais partout; offrir des soins de santé de qualité et sécuritaire.

Le concept était intéressant, sans que cela soit des cours magistraux où l’on arrivait avec notre savoir absolu, c’était plus un échange entre nous, les présentateurs, et les personnes qui assistaient à nos séances.

Nous avions des sujets variés mais d’actualité, tels que la résistance aux antimicrobiens et les hépatites virales qui ont été données par Dre Chomienne et l’antibioprophylaxie animé par Dre Perras. Dr Roy a quant à lui animé presque tous les jours sur des sujets qui touchaient l’éthique, la collaboration interprofessionnelle, etc.

La représentante de l’Université d’Ottawa, Philippe, Dr Dossour, Dre Perras, Dre Chomienne, Dr Roy au Bénin

De mon côté, j’ai animé deux séances sur deux jours touchant la prévention des infections. L’une portait sur la protection des employés et la seconde était sur la réduction des infections chirurgicales.

Après chaque séance, il y avait un moment d’échange où en groupe les participants devaient indiquer ce qu’ils avaient appris, ce qu’ils avaient retenu, ce qui était difficile pour eux à implanter et comment faire pour vaincre ces difficultés. Ensuite, venait un moment où chaque groupe racontait ce qu’ils venaient de discuter et tous ensemble ils essayaient de trouver des solutions. Vraiment, c’était fort intéressant ce que les participants nous ont raconté à la fin de nos cinq animations.


Les échanges étaient riches, dynamiques, intéressants et les participants étaient tout aussi passionnés que passionnants.

Les participants nous ont dit que ce qui était inédit de notre formation (et ce qu’ils ont apprécié), n’est pas seulement son concept, mais aussi comment, tous, nous avons essayé de retrouver des données qui appartiennent au Bénin ou à l’Afrique de l’Ouest et que cela prouvait que nous avions fait des efforts pour les comprendre, pour inclure leur réalité.

Une salle de classe au Bénin

Dans quelques mois, nous allons communiquer de nouveau avec les participants pour valider si les actions qu’ils avaient ciblées durant les échanges ont été réalisées, s’ils ont besoin d’aide ou de ressources supplémentaires.

On ne veut pas seulement aller là-bas, offrir une formation et partir. On veut, avec eux, travailler pour que les soins au Bénin soient meilleurs et pour que les changements se fassent.

Nous sommes convaincus que cela est possible par la collaboration continue. Pour cela, nous avons l’aide de Maud Mediell, doctorante en évaluation de programme, qui travaille à l’Université d’Ottawa et qui analyse, évalue et donne des recommandations à notre programme. Maud était aussi présente lors du voyage réalisé en mai.

Pour certains, voyager en Afrique rime avec risques infectieux. Oui, il y a des risques, mais si on voyage de façon intelligente, les risques sont beaucoup moindres.

Pour entrer au Bénin, il faut être vacciné contre la fièvre jaune, c’est presque une obligation douanière. Il est fortement recommandé de prendre des antipaludiques avant le voyage, durant celui-ci et quelques jours après. Avoir une moustiquaire attachée au lit est aussi une précaution à avoir. Malgré toutes ces précautions, je crois avoir été piqué par un moustique, car lors de mon voyage de retour, entre la Belgique et Montréal, j’ai été frappé par de la fièvre, des nausées et des douleurs articulaires. Cela a duré 24 heures et c’est parti tout simplement.

Le climat politique est généralement calme, sauf pour cette fois-ci où il y avait des élections et où il y a quelques échauffourées. En particulier, Dre Perras et moi-même avons été séquestrés dans une clinique, alors que des coups de feu ont éclaté dans la rue adjacente à la clinique. L’armée est arrivée presque aussitôt et a pris le contrôle de la rue et nous a ordonné de rester dans la clinique. Il y a eu aussi des personnes qui ont fait brûler des pneus dans la ville en signe de protestation et l’absence de pompe à essence fonctionnelle pour plus de 24 heures alors que des vandales ont saccagé plusieurs stations d’essence de la ville en renversant les pompes à essence ou en brisant l’écran.

Malgré cela, j’ai très hâte d’y retourner. Je vais rencontrer de nouveau les participants, certains vont se faire former pour devenir les prochains formateurs des mêmes séances que nous avons offerts. Depuis mon départ, je maintiens des contacts fréquents avec plusieurs d’entre eux qui me posent des questions sur la prévention des infections, sur divers cas, ou comment améliorer divers aspects des soins.

C’est très valorisant de sentir que l’on fait la différence pour quelqu’un. Pour moi, que ce soit ici ou ailleurs, dans la ville d’Ottawa ou à l’autre bout de la planète, nous sommes une petite communauté et améliorer les soins là-bas ne peut qu’être bénéfique à tous.


J’aimerais remercier mes collègues, Dre Chomienne pour son appui, pour sa grandeur d’âme et Dr Roy pour son humanisme. Ce sont des personnes avec un cœur énorme. Chaque fois que je pars avec eux, je reviens changé, meilleur. J’apprends beaucoup d’eux. Je voudrais aussi remercier la bibliothécaire de Montfort, Véronique, qui a donné plusieurs livres que j’ai remis aux participants. Ils ont tous adoré ce que Véronique m’avait remis. Également le technicien en bio med, Michel Lameira et Normand Bisaillon qui m’ont trouvé un ECG que j’ai pu remettre à une clinique privée. Le propriétaire était emballé!


J’aimerais aussi remercier la Fondation Mérieux qui finance le projet ainsi que les affaires francophones de la Faculté de médecine et l’Hôpital Montfort qui appuient ce projet.

Philippe est infirmier en prévention des infections, à Montfort depuis 2006. Sous ses airs de barbu, il a un cœur tendre et est très sympathique. Quand il ne travaille pas, il est soit en train de lire des livres sur les maladies infectieuses, dans son jardin, dans son kayak ou en train de changer des couches de son nouveau bébé. Père fier de ses trois enfants, il adore voyager, faire à manger et passer l’été au BBQ à boire des Cuba libre.